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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/293

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des hommes. L’état d’incohérence, de violence, d’iniquité où était alors la société, choquait les grands esprits, les âmes élevées, et ils cherchaient sans cesse les moyens d’en sortir. Cependant les meilleurs mêmes de ces nobles essais ont échoué ; tant de courage, de sacrifices, d’efforts, de vertu, ont été perdus ; n’est-ce pas là un triste spectacle ? Il y a même ici quelque chose d’encore plus douloureux, le principe d’une tristesse encore plus amère : non seulement ces tentatives d’amélioration sociale ont échoué, mais une masse énorme d’erreurs et de mal s’y est mêlée. En dépit de la bonne intention, la plupart étaient absurdes et attestent une profonde ignorance de la raison, de la justice, des droits de l’humanité et des conditions de l’état social ; en sorte que non seulement le succès a manqué aux hommes, mais ils ont mérité leurs revers. On a donc ici le spectacle non seulement de la dure destinée de l’humanité, mais de sa faiblesse. On y peut voir combien la plus petite portion de vérité suffit à préoccuper tellement les plus grands esprits, qu’ils oublient tout-à-fait le reste, et deviennent aveugles sur ce qui n’entre pas dans l’étroit horizon de leurs idées ; à quel point il suffit qu’il y ait un coin de justice dans une cause, pour qu’on perde de vue toutes les injustices qu’elle renferme et se permet. Cette explosion des vices et de l’imperfection de l’homme est, à mon avis, plus triste encore à contempler que le malheur de sa condition ; et ses fautes me pèsent plus que ses souffrances. Les tentatives, dont j’ai à vous entretenir, nous donneront l’un et l’autre spectacle : il faut l’accepter, Messieurs, et ne pas cesser d’être justes envers ces hommes, ces siècles qui se sont si souvent