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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/295

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passé du huitième au douzième siècle ; je vous l’ai fait voir à l’état d’église impériale, d’église barbare, et d’église féodale, enfin d’église théocratique. Je suppose ces souvenirs présents à votre esprit, et j’essaie aujourd’hui d’indiquer ce que fit le clergé pour dominer l’Europe, et pourquoi il échoua.

La tentative d’organisation théocratique apparaît de très bonne heure, soit dans les actes de la cour de Rome, soit dans ceux du clergé en général ; elle découlait naturellement de la supériorité politique et morale de l’Église ; mais elle rencontra, dès ses premiers pas, des obstacles que, dans sa plus grande vigueur, elle ne réussit point à écarter.

Le premier était la nature même du christianisme. Bien différent en ceci de la plupart des croyances religieuses, le christianisme s’est établi par la seule persuasion, par de simples ressorts moraux ; il n’a pas été dès sa naissance armé de la force ; il a conquis dans les premiers siècles par la parole seule, et il n’a conquis que les âmes. Il en est arrivé que, même après son triomphe, lorsque l’Église a été en possession de beaucoup de richesse et de considération, elle ne s’est point trouvée investie du gouvernement direct de la société. Son origine purement morale, purement par voie d’influence, se retrouvait empreinte dans son état. Elle avait beaucoup d’influence, elle n’avait pas le pouvoir. Elle s’était insinuée dans les magistratures municipales ; elle agissait puissamment sur les empereurs, sur tous leurs agents ; mais l’administration positive des affaires publiques, le gouvernement proprement dit, l’Église ne l’avait pas. Or, un système de gouvernement,