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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/299

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atteint sous certains rapports. Ne nous laissons cependant imposer ni par l’éclat des mots, ni par celui de faits partiels. Quelle société a offert plus de dissensions civiles, a subi plus de démembrements que le clergé ? quelle nation a été plus divisée, plus travaillée, plus mobile que la nation ecclésiastique ? Les églises nationales de la plupart des pays de l’Europe luttent presque incessamment contre la cour de Rome, les conciles luttent contre les papes ; les hérésies sont innombrables et toujours renaissantes ; le schisme toujours à la porte ; nulle part tant de diversité dans les opinions, tant d’acharnement dans le combat, tant de morcellement dans le pouvoir. La vie intérieure de l’Église, les divisions qui y ont éclaté, les révolutions qui l’ont agitée, ont été peut être le plus grand obstacle au triomphe de cette organisation théocratique qu’elle tentait d’imposer à la société.

Tous ces obstacles, Messieurs, ont agi et se laissent entrevoir dès le cinquième siècle, dans le berceau même de la grande tentative dont nous nous occupons. Ils n’empêchèrent cependant pas qu’elle ne suivît son cours et ne fût plusieurs siècles en progrès. Son plus glorieux moment, son jour de crise, pour ainsi dire, c’est le règne de Grégoire VII, à la fin du onzième siècle. Vous avez déjà vu que l’idée dominante de Grégoire VII avait été de soumettre le monde au clergé, le clergé à la papauté, l’Europe à une vaste et régulière théocratie. Dans ce dessein, et autant qu’il est permis de juger à une telle distance des événements, ce grand homme commit, à mon avis, deux grandes fautes, une faute de théoricien, et une faute de révolutionnaire. La première fut de procla-