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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/300

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mer fastueusement son plan, d’étaler systématiquement ses principes sur la nature et les droits du pouvoir spirituel, d’en tirer d’avance, et en logicien intraitable, les plus lointaines conséquences. Il menaça et attaqua ainsi, avant de s’être assuré les moyens de les vaincre, toutes les souverainetés laïques de l’Europe. Le succès ne s’obtient point, dans les affaires humaines, par des procédés si absolus, ni au nom d’un argument philosophique. Grégoire VII tomba de plus dans l’erreur commune des révolutionnaires, qui est de tenter plus qu’ils ne peuvent exécuter, de ne pas prendre le possible pour mesure et limite de leurs efforts. Pour hâter la domination de ses idées, il engagea la lutte contre l’empire, contre tous les souverains, contre le clergé lui-même. Il n’ajourna aucune conséquence, ne ménagea aucun intérêt, proclama hautement qu’il voulait régner sur tous les royaumes comme sur tous les esprits, et souleva ainsi contre lui d’une part tous les pouvoirs temporels qui se virent en péril pressant, de l’autre les libres penseurs qui commençaient à poindre et redoutaient déjà la tyrannie de la pensée. À tout prendre, Grégoire VII compromit peut-être plus qu’il n’avança la cause qu’il voulait servir.

Elle continua cependant à prospérer dans tout le cours du douzième et jusque vers le milieu du treizième siècle. C’est le temps de la plus grande puissance et du plus grand éclat de l’Église. Je ne crois pas qu’on puisse dire qu’elle ait à cette époque fait précisément beaucoup de progrès. Jusqu’à la fin du règne d’Innocent III, elle a plutôt exploité qu’étendu sa gloire et son pouvoir. C’est au moment de son plus