Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/320

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Je commencerai par la France. La dernière moitié du quatorzième siècle et la première moitié du quinzième y ont été, vous le savez tous, le temps des grandes guerres nationales, des guerres contre les Anglais. C’est l’époque de la lutte engagée pour l’indépendance du territoire et du nom français contre une domination étrangère. Il suffit d’ouvrir l’histoire pour voir avec quelle ardeur, malgré une multitude de dissensions, de trahisons, toutes les classes de la société en France ont concouru à cette lutte, quel patriotisme s’est emparé alors de la noblesse féodale, de la bourgeoisie, des paysans même. Quand il n’y aurait, pour montrer le caractère populaire de l’événement, que l’histoire de Jeanne d’Arc, elle en serait une preuve plus que suffisante. Jeanne d’Arc est sortie du peuple ; c’est par les sentiments, par les croyances, par les passions du peuple, qu’elle a été inspirée, soutenue. Elle a été vue avec méfiance, avec ironie, avec inimitié même par les gens de cour, par les chefs de l’armée ; elle a eu constamment pour elle les soldats, le peuple. Ce sont les paysans de la Lorraine qui l’ont envoyée au secours des bourgeois d’Orléans. Aucun événement ne fait éclater davantage le caractère populaire de cette guerre et le sentiment qu’y portait le pays tout entier.

Ainsi a commencé à se former la nationalité française. Jusqu’au règne des Valois, c’est le caractère féodal qui domine en France ; la nation française, l’esprit français, le patriotisme français, n’existent pas encore. Avec les Valois commence la France proprement dite ; c’est dans le cours de leurs guerres,