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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/32

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avec tous ses voisins et même avec ses sujets. Son gantelet n’épargne pas plus les hauts barons que les vilains : le maître frappe et il est rarement désobéi. Mais son caractère inflexible, servant à souhait le génie satanique de Louis XI cause enfin sa perte : heureux de mourir pour échapper au désespoir. La race de cet homme de fer finit en Belgique dans une faible femme ; en France dans un roi lâche et efféminé.

Après la mort du prince qui l’avait comprimée, la démocratie se redresse altière et tumultueuse. Marie vécut assez longtemps pour voir les métiers de Gand, enseignes déployées, aller, en grande cérémonie, sur le marché, faire couper la tête à deux de ses ministres.

À la voix de ces redoutables sujets, le fils d’un empereur, n’ayant pour dot qu’une illustre naissance et sa bonne mine, devient l’époux de Marie. Bientôt, victime de la mobilité de ceux qui l’avaient choisi, il est abreuvé d’outrages, enfermé dans une étroite prison et menacé de perdre la vie. Il recouvre enfin sa liberté, obligé de conquérir pied à pied les états de son fils, au nom duquel on méconnaissait sa propre autorité, attaqué par l’étranger, poursuivi par la guerre civile. Au milieu des insurrections de la Flandre et du Brabant, des atroces vengeances des Hoecks et des Kabelliauws, des déprédations des bandes allemandes, tandis que le Sanglier des Ardennes se baigne dans le sang d’un prince de l’Église et d’un souverain temporel, se fonde cette colossale maison d’Autriche, qu’une politique patiente a protégée jusqu’à présent contre les vicissitudes de la for-