Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/332

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proprement dite dans la société, mais qui les prépare toutes. Je vais mettre sous vos yeux des faits d’une autre nature, les faits moraux, les faits qui se rapportent au développement de l’esprit humain, des idées générales. Là aussi nous reconnaîtrons le même phénomène, nous arriverons au même résultat.

Je commencerai par un ordre de faits qui nous a souvent occupés, et qui, sous les formes les plus diverses, a toujours tenu une grande place dans l’histoire de l’Europe, par les faits relatifs à l’Église. Jusqu’au quinzième siècle, nous n’avons vu en Europe d’idées générales, puissantes, agissant vraiment sur les masses, que les idées religieuses. Nous avons vu l’Église seule investie du pouvoir de les régler, de les promulguer, de les prescrire. Souvent, il est vrai, des tentatives d’indépendance, de séparation même ont été formées, et l’Église a eu beaucoup à faire pour les vaincre. Cependant jusqu’ici elle les a vaincues ; les croyances repoussées par l’Église n’ont pas pris possession générale et permanente de l’esprit des peuples ; les Albigeois eux-mêmes ont été écrasés. Le dissentiment et la lutte ont été continuels dans le sein de l’Église, mais sans résultat décisif et éclatant. À l’ouverture du quinzième siècle, un fait bien différent s’annonce ; des idées nouvelles, un besoin public, avoué, de changement et de réforme agitent l’Église elle-même. La fin du quatorzième et le commencement du quinzième siècle ont été marqués par le grand schisme d’Occident, résultat de la translation du saint-siège à Avignon, et de la création de deux papes, l’un à Avignon, l’autre à Rome. La lutte de ces deux papautés est ce qu’on appelle le grand