Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/339

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d’esprit. On croit, en vérité, quand on parcourt cette époque, quand on assiste au spectacle de ses idées, à l’état des relations sociales, on croit vivre au milieu du dix-huitième siècle français. C’est le même goût pour le mouvement de l’intelligence, pour les idées nouvelles, pour une vie douce, agréable ; c’est la même mollesse, la même licence, c’est le même défaut, soit d’énergie politique, soit de croyances morales, avec une sincérité, une activité d’esprit singulières. Les lettrés du quinzième siècle sont, vis-à-vis des prélats de la haute église, dans la même relation que les gens de lettres et les philosophes du dix-huitième avec les grands seigneurs ; ils ont tous les mêmes opinions, les mêmes mœurs, vivent doucement ensemble, et ne s’inquiètent pas des bouleversements qui se préparent autour d’eux. Les prélats du quinzième siècle, à commencer par le cardinal Bembo, ne prévoyaient certainement pas plus Luther et Calvin que les gens de cour ne prévoyaient la révolution française. La situation était pourtant analogue.

Trois grands faits se présentent donc à cette époque dans l’ordre moral : d’une part, une réforme ecclésiastique tentée par l’Église elle-même ; de l’autre, une réforme religieuse populaire ; enfin une révolution intellectuelle, qui forme une école de libres penseurs. Et toutes ces métamorphoses se préparent au milieu du plus grand changement politique qui soit encore arrivé en Europe, au milieu du travail de centralisation des peuples et des gouvernements. Ce n’est pas tout ; ce temps est aussi celui de la plus grande activité extérieure des hommes ; c’est un