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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/349

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aller au plaisir d’assigner sur-le-champ, et à la première vue, le caractère général, les résultats permanents d’une époque, d’un événement. L’esprit humain est comme la volonté humaine, toujours pressé d’agir, impatient des obstacles, avide de liberté et de conclusion ; il oublie volontiers les faits qui le pressent et le gênent ; mais en les oubliant il ne les détruit pas ; et ils subsistent pour le convaincre un jour d’erreur et le condamner. Il n’y a pour l’esprit humain, Messieurs, qu’un moyen d’échapper à ce péril, c’est d’épuiser courageusement, patiemment l’étude des faits, avant de généraliser et de conclure. Les faits sont pour la pensée ce que les règles de la morale sont pour la volonté. Elle est tenue de les connaître, d’en porter le poids ; et c’est seulement lorsqu’elle a satisfait à ce devoir, lorsqu’elle en a mesuré et parcouru toute l’étendue, c’est alors seulement qu’il lui est permis de déployer ses ailes et de prendre son vol vers la haute région d’où elle verra toutes choses dans leur ensemble et leurs résultats. Si elle y veut monter trop vite, et sans avoir pris connaissance de tout le territoire que de là elle aura à contempler, la chance d’erreur et de chute est incalculable. C’est comme dans un calcul de chiffres où une première erreur en entraîne d’autres à l’infini. De même en histoire, si dans le premier travail on n’a pas tenu compte de tous les faits, si on s’est laissé aller au goût de la généralisation précipitée, il est impossible de dire à quels égarements on sera conduit.

Messieurs, je vous préviens en quelque sorte contre moi-même. Je n’ai guère fait et pu faire dans ce cours que des tentatives de généralisation, des résumés