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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/351

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exemple, la vente des indulgences avait été confiée aux Dominicains, ce qui avait rendu les Augustins jaloux ; Luther était un Augustin, donc c’était là le motif déterminant de la Réforme. D’autres l’ont attribuée à l’ambition des souverains, à leur rivalité avec le pouvoir ecclésiastique, à l’avidité des nobles laïques qui voulaient s’emparer des biens de l’Église. On a voulu ainsi expliquer la révolution religieuse uniquement par le mauvais côté des hommes et des affaires humaines, par les intérêts privés, les passions personnelles.

D’un autre côté les partisans, les amis de la Réforme ont essayé de l’expliquer par le seul besoin de réformer en effet les abus existant dans l’Église ; ils l’ont présentée comme un redressement des griefs religieux, comme une tentative conçue et exécutée dans le seul dessein de reconstituer une église pure, l’église primitive. Ni l’une ni l’autre de ces explications ne me paraît fondée. La seconde a plus de vérité que la première ; au moins elle est plus grande, plus en rapport avec l’étendue et l’importance de l’événement ; cependant je ne la crois pas exacte non plus. A mon avis, la Réforme n’a été ni un accident, le résultat de quelque grand hasard, de quelque intérêt personnel, ni une simple vue d’amélioration religieuse, le fruit d’une utopie d’humanité et de vérité. Elle a eu une cause plus puissante que tout cela, et qui domine toutes les causes particulières. Elle a été un grand élan de liberté de l’esprit humain, un besoin nouveau de penser, de juger librement, pour son compte, avec ses seules forces, des faits et des idées que jusque-là l’Europe recevait ou était tenue de