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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/352

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recevoir des mains de l’autorité. C’est une grande tentative d’affranchissement de la pensée humaine ; et pour appeler les choses par leur nom, une insurrection de l’esprit humain contre le pouvoir absolu dans l’ordre spirituel. Tel est, selon moi, le véritable caractère, le caractère général et dominant de la Réforme.

Quand on considère quel était à cette époque d’un côté l’état de l’esprit humain, de l’autre celui du pouvoir spirituel de l’Église, qui avait le gouvernement de l’esprit humain, voici le double fait dont on est frappé.

Du côté de l’esprit humain, une beaucoup plus grande activité, un beaucoup plus grand besoin de développement qu’il n’avait jamais senti. Cette activité nouvelle était le résultat de causes diverses,mais qui s’accumulaient depuis des siècles. Par exemple, il y avait des siècles que les hérésies naissaient, tenaient quelque place, tombaient remplacées par d’autres ; il y avait des siècles que les opinions philosophiques avaient le même cours que les hérésies. Le travail de l’esprit humain, soit dans la sphère religieuse, soit dans la sphère philosophique, s’était accumulé du onzième au seizième siècle ; enfin le moment était venu où il fallait qu’il eût un résultat. De plus, tous les moyens d’instruction, créés ou favorisés dans le sein de l’Église elle-même, portaient leurs fruits. On avait institué des écoles ; de ces écoles étaient sortis des hommes qui savaient quelque chose ; leur nombre s’était accru de jour en jour. Ces hommes voulaient penser enfin par eux-mêmes, et pour leur compte, car ils se sentaient plus forts