Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/358

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à certains égards, s’est-elle montrée là si facile, si souple ? Parce qu’elle obtenait le fait général auquel elle tendait, l’abolition du pouvoir spirituel, l’affranchissement de l’esprit humain. Je le répète, là où elle a atteint ce but, elle s’est accommodée à tous les régimes, à toutes les situations.

Faisons maintenant la contre-épreuve de cet examen ; voyons ce qui est arrivé dans les pays où la révolution religieuse n’a pas pénétré, où elle a été étouffée de très bonne heure, où elle n’a pu prendre aucun développement. L’histoire répond que là l’esprit humain n’a pas été affranchi : deux grands pays, l’Espagne et l’Italie, peuvent l’attester. Tandis que dans les parties de l’Europe où la Réforme a tenu une grande place, l’esprit humain a pris, dans les trois derniers siècles, une activité, une liberté jusque là inconnues, là où elle n’a pas pénétré, il est tombé, à la même époque, dans la mollesse et l’inertie ; en sorte que l’épreuve et la contre-épreuve ont été faites pour ainsi dire simultanément et donné le même résultat.

L’élan de la pensée, l’abolition du pouvoir absolu dans l’ordre spirituel, c’est donc bien là le caractère essentiel de la Réforme, le résultat le plus général de son influence, le fait dominant de sa destinée.

Je dis le fait, et je le dis à dessein. L’émancipation de l’esprit humain a été en effet, dans le cours de la Réforme, un fait plutôt qu’un principe, un résultat plus qu’une intention. La Réforme a, je crois, en ceci, exécuté plus qu’elle n’avait entrepris, plus même peut-être qu’elle ne souhaitait. Au contraire de beaucoup d’autres révolutions qui sont restées fort en arrière