Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/360

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de la vérité ; ses croyances, ses institutions étaient seules légitimes ; si l’Église romaine n’avait pas le droit de punir les réformés, c’est qu’elle avait tort contre eux.

Et quand le reproche de persécution était adressé au parti dominant dans la Réforme, non par ses ennemis, mais par ses propres enfants ; quand les sectes qu’il anathématisait lui disaient : « Nous faisons ce que vous avez fait ; nous nous séparons comme vous êtes séparés, » il était encore plus embarrassé pour répondre, et ne répondait bien souvent que par un redoublement de rigueur.

C’est qu’en effet, en travaillant à la destruction du pouvoir absolu dans l’ordre spirituel, la révolution religieuse du seizième siècle n’a pas connu les vrais principes de la liberté intellectuelle : elle affranchissait l’esprit humain, et prétendait encore à le gouverner par la loi ; en fait elle faisait prévaloir le libre examen ; en principe elle croyait substituer un pouvoir légitime à leur pouvoir illégitime. Elle ne s’était point élevée jusqu’à la première raison, elle n’était point descendue jusqu’aux dernières conséquences de son œuvre. Aussi est-elle tombée dans une double faute : d’une part elle n’a pas connu ni respecté tous les droits de la pensée humaine ; au moment où elle les réclamait pour son propre compte, elle les violait ailleurs ; d’autre part, elle n’a pas su mesurer, dans l’ordre intellectuel, les droits de l’autorité ; je ne dis pas de l’autorité coactive qui n’en saurait posséder aucun en pareille matière, mais de l’autorité purement morale, agissant sur les esprits seuls et par la seule voie de l’influence. Quelque