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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/363

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au contraire, où l’événement a été plus grand que la pensée, là où parait manquer la connaissance des premiers principes et des derniers résultats de l’action, il est resté quelque chose d’incomplet, d’inconséquent, d’étroit, qui a placé les vainqueurs mêmes dans une sorte d’infériorité rationnelle, philosophique, dont l’influence s’est quelquefois fait sentir dans les événements. C’est là, je pense, dans la lutte de l’ancien ordre spirituel contre l’ordre nouveau, le côté faible de la Réforme, ce qui a souvent embarrassé sa situation, ce qui l’a empêchée de se défendre aussi bien qu’elle en avait le droit.

Je pourrais, Messieurs, considérer avec vous la révolution religieuse du seizième siècle sous beaucoup d’autres aspects. Je n’ai rien dit et n’ai rien à dire de son côté purement dogmatique, de ce qu’elle a fait dans la religion proprement dite, et quant aux rapports de l’âme humaine avec Dieu et l’éternel avenir ; mais je pourrais vous la montrer dans la variété de ses rapports avec l’ordre social, amenant partout des résultats d’une importance immense. Par exemple elle a rappelé la religion au milieu des laïques, dans le monde des fidèles ; jusque-là la religion était, pour ainsi dire, le domaine exclusif du clergé, de l’ordre ecclésiastique ; il en distribuait les fruits, mais disposait seul du fond, avait presque seul le droit d’en parler. La réforme a fait rentrer les croyances religieuses dans la circulation générale ; elle a rouvert aux fidèles le champ de la foi, où ils n’avaient plus droit d’entrer. Elle a eu en même temps un second résultat ; elle a banni, ou à peu près, la religion de la politique ; elle a rendu l’indépendance