Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/369

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règne des Tudor, à un degré de concentration et d’énergie qu’elle n’avait pas encore connu. Ce n’est pas à dire que le despotisme pratique des Tudor fût plus violent et coûtât plus cher à l’Angleterre que n’avait fait celui de leurs prédécesseurs. Il y avait, je crois, bien autant d’actes de tyrannie, de vexations, d’injustices, sous les Plantagenet que sous les Tudor, davantage peut-être. Je crois aussi qu’à cette époque, sur le continent, le gouvernement de la monarchie pure était plus rude et plus arbitraire qu’en Angleterre. Le fait nouveau sous les Tudor, c’est que le pouvoir absolu devient systématique : la royauté prétend à une souveraineté primitive, indépendante ; elle tient un langage qu’elle n’avait point tenu jusqu’alors. Les prétentions théoriques de Henri VIII, d’Elisabeth, de Jacques Ier, de Charles Ier, sont tout autres que n’avaient été celles d’Edouard Ier, ou d’Edouard III, quoiqu’en fait le pouvoir de ces deux derniers rois ne fût ni moins arbitraire, ni moins étendu. Je le répète, c’est le principe, le système rationnel de la monarchie qui change en Angleterre au seizième siècle, plutôt que sa puissance pratique. La royauté se prétend absolue et supérieure à toutes les lois, même à celles qu’elle déclare vouloir respecter.

D’un autre côté, la révolution religieuse ne s’accomplit point en Angleterre comme sur le continent ; elle y fut l’œuvre des rois eux-mêmes. Ce n’est pas que là aussi il n’y est depuis longtemps des germes, des essais même de réforme populaire, et qu’ils n’eussent probablement pas tardés à éclater. Mais Henri VIII prit les devants, le pouvoir se fit révolutionnaire.