Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/382

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l’anarchie matérielle aussi bien que l’anarchie morale, éclataient de toutes parts ; et la chambre des communes et le conseil d’état républicain étaient sans force pour les réprimer.

Les trois grands partis de la révolution avaient donc été successivement appelés à la conduire, à gouverner le pays selon leur science et leur volonté, et ils ne l’avaient pu ; ils avaient tous les trois échoué complètement ; ils ne pouvaient plus rien. Ce fut alors, dit Bossuet, « qu’un homme se rencontra qui ne laissait rien à la fortune de ce qu’il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance ; » expression pleine d’erreur et que dément toute l’histoire. Jamais homme n’a plus laissé à la fortune que Cromwell ; jamais homme n’a plus hasardé, n’a marché plus témérairement, sans dessein, sans but, mais décidé à aller aussi loin que le porterait le sort. Une ambition sans limite, et une admirable habileté pour tirer de chaque jour, de chaque circonstance, quelque progrès nouveau, l’art de mettre la fortune à profit sans jamais prétendre la régler, c’est là Cromwell. Il lui est arrivé ce qui n’est arrivé peut-être à aucun autre homme de sa sorte ; il a suffi à toutes les phases, aux phases les plus diverses de la révolution ; il a été l’homme des premiers et des derniers temps, d’abord le meneur de l’insurrection, le fauteur de l’anarchie, le révolutionnaire le plus fougueux de l’Angleterre, ensuite l’homme de la réaction antirévolutionnaire, l’homme du rétablissement de l’ordre, de la réorganisation sociale ; jouant ainsi à lui seul tous les rôles que, dans le cours des révolutions, se partagent les plus grands acteurs. On ne peut dire