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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/47

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en même temps l’existence intellectuelle et morale de ce peuple est tenue avec grand soin dans un état d’engourdissement, d’inertie, je ne veux pas dire d’oppression, parce qu’il n’en a pas le sentiment, mais de compression. Ceci n’est pas sans exemple. Il y a eu un grand nombre de petites républiques aristocratiques où les sujets ont été ainsi traités comme des troupeaux, bien tenus et matériellement heureux, mais sans activité intellectuelle et morale. Est-ce là la civilisation ? est-ce là un peuple qui se civilise ?

Voici une autre hypothèse : c’est un peuple dont l’existence matérielle est moins douce, moins commode, supportable cependant. En revanche, on n’a point négligé les besoins moraux, intellectuels ; on leur distribue une certaine pâture ; on cultive dans ce peuple des sentiments élevés, purs ; ses croyances religieuses, morales, ont atteint un certain degré de développement ; mais on a grand soin d’étouffer en lui le principe de la liberté ; on donne satisfaction aux besoins intellectuels et moraux, comme ailleurs aux besoins matériels ; on mesure à chacun sa part de vérité ; on ne permet à personne de la chercher à lui tout seul. L’immobilité est le caractère de la vie morale ; c’est l’état où son tombées la plupart des populations de l’Asie, où les dominations théocratiques retiennent l’humanité ; c’est l’état des Indous, par exemple. Je fais la même question que sur le peuple précédent : est-ce là un peuple qui se civilise ?

Je change tout-à-fait la nature de l’hypothèse : voici un peuple chez lequel il y a un grand déploiement de quelques libertés individuelles ; mais où le désordre et l’inégalité sont extrêmes : c’est l’empire