Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/58

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faut, mais exposé d’une manière à peu près complète, quoique bien légère, le fait de la civilisation ; je crois l’avoir décrit, circonscrit, et avoir posé les principales questions, les questions fondamentales auxquelles il donne lieu. Je pourrais m’arrêter ; cependant je ne puis pas ne pas poser au moins une question que je rencontre ici ; une de ces questions qui ne sont plus des questions historiques proprement dites, qui sont des questions, je ne veux pas dire hypothétiques, mais conjecturales ; des questions dont l’homme ne tient qu’un bout, dont il ne peut jamais atteindre l’autre bout, dont il ne peut faire le tour, qu’il ne voit que par un côté ; qui cependant n’en sont pas moins réelles, auxquelles il faut bien qu’il pense, car elles se présentent devant lui, malgré lui, à tout moment.

De ces deux développements dont nous venons de parler, et qui constituent le fait de la civilisation, du développement de la société, d’une part, et de l’humanité, de l’autre, lequel est le but, lequel le moyen ? Est-ce pour le perfectionnement de sa condition sociale, pour l’amélioration de son existence sur la terre, que l’homme se développe tout entier, ses facultés, ses sentiments, ses idées, tout son être ? ou bien l’amélioration de la condition sociale, les progrès de la société, la société elle-même n’est-elle que le théâtre, l’occasion, le mobile du développement de l’individu ? En un mot, la société est-elle faite pour servir l’individu, ou l’individu pour servir la société ? De la réponse à cette question dépend inévitablement celle de savoir si la destinée de l’homme est purement sociale, si la société épuise et absorbe l’homme tout