Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/69

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effet ; la société est tombée dans un état stationnaire. La simplicité a amené la monotonie ; le pays ne s’est pas détruit, la société a continué d’y subsister, mais immobile et comme glacée.

C’est à la même cause qu’il faut rapporter ce caractère de tyrannie qui apparaît, au nom des principes et sous les formes les plus diverses, dans toutes les civilisations anciennes. La société appartenait à une force exclusive qui n’en pouvait souffrir aucune autre. Toute tendance différente était proscrite, chassée. Jamais le principe dominant ne voulait admettre à côté de lui la manifestation et l’action d’un principe différent.

Ce caractère d’unité de la civilisation est également empreint dans la littérature, dans les ouvrages de l’esprit. Qui n’a parcouru les monuments de la littérature indienne, depuis peu répandus en Europe ? Il est impossible de ne pas voir qu’ils sont tous frappés au même coin ; ils semblent tous le résultat d’un même fait, l’expression d’une même idée ; ouvrages de religion ou de morale, traditions historiques, poésie dramatique, épopée, partout est empreinte la même physionomie ; les œuvres de l’esprit portent ce même caractère de simplicité, de monotonie qui éclate dans les événements et les institutions. En Grèce même, au milieu de toutes les richesses de l’esprit humain, une rare unité domine dans la littérature et dans les arts.

Il en a été tout autrement de la civilisation de l’Europe moderne. Sans entrer dans aucun détail, regardez-y, recueillez vos souvenirs ; elle vous apparaîtra sur-le-champ variée, confuse, orageuse ;