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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/70

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toutes les formes, tous les principes d’organisation sociale y coexistent ; les pouvoirs spirituel et temporel, les éléments théocratique, monarchique, aristocratique, démocratique, toutes les classes, toutes les situations sociales se mêlent, se pressent ; il y a des degrés infinis dans la liberté, la richesse, l’influence. Et ces forces diverses sont entre elles dans un état de lutte continuelle, sans qu’aucune parvienne à étouffer les autres et à prendre seule possession de la société. Dans les temps anciens, à chaque grande époque, toutes les sociétés semblent jetées dans le même moule : c’est tantôt la monarchie pure, tantôt la théocratie ou la démocratie qui prévaut ; mais chacune prévaut à son tour complètement. L’Europe moderne offre des exemples de tous les systèmes, de tous les essais d’organisation sociale ; les monarchies pures ou mixtes, les théocraties, les républiques plus ou moins aristocratiques y ont vécu simultanément, à côté les unes des autres ; et malgré leur diversité, elles ont toutes une certaine ressemblance, un certain air de famille qu’il est impossible de méconnaître.

Dans les idées et les sentiments de l’Europe, même variété, même lutte. Les croyances théocratiques, monarchiques, aristocratiques, populaires, se croisent, se combattent, se limitent, se modifient. Ouvrez les plus hardis écrits du moyen âge : jamais une idée n’y est suivie jusqu’à ses dernières conséquences. Les partisans du pouvoir absolu reculent tout à coup et à leur insu devant les résultats de leur doctrine ; on sent qu’autour d’eux il y a des idées, des influences qui les arrêtent et les empêchent de pous-