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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/72

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dans les lettres, les arts, dans toutes les directions où l’esprit humain peut marcher, on le trouve, en général, inférieur au développement correspondant dans les civilisations anciennes ; mais en revanche, quand on regarde l’ensemble, la civilisation européenne se montre incomparablement plus riche qu’aucune autre ; elle a amené à la fois bien plus de développements divers. Aussi voyez ; voilà quinze siècles qu’elle dure, et elle est dans un état de progression continue ; elle n’a pas marché, à beaucoup près, aussi vite que la civilisation grecque, mais son progrès n’a pas cessé de croître. Elle entrevoit devant elle une immense carrière, et, de jour en jour elle s’y élance plus rapidement, parce que la liberté accompagne de plus en plus tous ses mouvements. Tandis que, dans les autres civilisations, la domination exclusive, ou du moins la prépondérance excessive d’un seul principe, d’une seule forme, a été une cause de tyrannie. Dans l’Europe moderne la diversité des éléments de l’ordre social, l’impossibilité où ils ont été de s’exclure l’un l’autre, ont enfanté la liberté qui règne aujourd’hui. Faute de pouvoir s’exterminer, il a bien fallu que les principes divers vécussent ensemble, qu’ils fissent entre eux une sorte de transaction. Chacun a consenti à n’avoir que la part de développement qui pouvait lui revenir ; et tandis qu’ailleurs la prédominance d’un principe produisait la tyrannie, en Europe, la liberté est résultée de la variété des éléments de la civilisation, et de l’état de lutte dans lequel ils ont constamment vécu.

C’est là, Messieurs, une vraie, une immense supériorité ; et si nous allons plus loin, si nous pénétrons