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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/73

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au-delà des faits extérieurs, dans la nature même des choses, nous reconnaîtrons que cette supériorité est légitime et avouée par la raison aussi bien que proclamée par les faits. Oubliant un moment la civilisation européenne, portons nos regards sur le monde en général, sur le cours général des choses terrestres. Quel est son caractère ? comment va le monde ? Il va précisément avec cette diversité, cette variété d’éléments, en proie à cette lutte constante que nous remarquons dans la civilisation européenne. Évidemment il n’a été donné à aucun principe, à aucune organisation particulière, à aucune idée, à aucune force spéciale, de s’emparer du monde, de le modeler une fois pour toutes, d’en chasser toute autre tendance, d’y régner exclusivement. Des forces, des principes, des systèmes divers se mêlent, se limitent, luttent sans cesse, tour à tour dominants ou dominés, jamais complètement vaincus ni vainqueurs. C’est l’état général du monde que la diversité des formes, des idées, des principes, et leurs combats, et leur effort vers une certaine unité, un certain idéal qui ne sera peut-être jamais atteint, mais auquel tend l’espèce humaine par la liberté et le travail. La civilisation européenne est donc la fidèle image du monde : comme le cours des choses de ce monde, elle n’est ni étroite, ni exclusive, ni stationnaire. Pour la première fois, je pense, le caractère de la spécialité a disparu de la civilisation ; pour la première fois elle s’est développée aussi diverse, aussi riche, aussi laborieuse que le théâtre de l’univers.

La civilisation européenne est entrée, s’il est permis de le dire, dans l’éternelle vérité, dans le plan