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Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/92

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de la barbarie, soient sentis et reproduits avec une vérité vraiment homérique. Nulle part on ne voit si bien ce que c’est qu’un Barbare et la vie d’un Barbare. Quelque chose s’en retrouve aussi, quoiqu’à un degré bien inférieur, à mon avis, d’une manière bien moins simple, bien moins vraie, dans les romans de M. Cooper sur les Sauvages d’Amérique. Il y a dans la vie des Sauvages d’Amérique, dans les relations et les sentiments qu’ils portent au milieu des bois, quelque chose qui rappelle jusqu’à un certain point les mœurs des anciens Germains. Sans doute ces tableaux sont un peu idéalisés, un peu poétiques ; le mauvais côté des mœurs et de la vie barbare n’y est pas présenté dans toute sa crudité. Je ne parle pas seulement des maux que ces mœurs entraînent dans l’état social, mais de l’état intérieur, individuel du Barbare lui-même. Il y avait, dans ce besoin passionné d’indépendance personnelle, quelque chose de plus grossier, de plus matériel qu’on ne le croirait d’après l’ouvrage de M. Thierry ; il y avait un degré de brutalité, d’ivresse, d’apathie, qui n’est pas toujours fidèlement reproduit dans ses récits. Cependant, lorsqu’on regarde au fond des choses, malgré cet alliage de brutalité, de matérialisme, d’égoïsme stupide, le goût de l’indépendance individuelle est un sentiment noble, moral, qui tire sa puissance de la nature morale de l’homme ; c’est le plaisir de se sentir homme, le sentiment de la personnalité, de la spontanéité humaine dans son libre développement.

Messieurs, c’est par les Barbares germains que ce sentiment a été introduit dans la civilisation européenne ; il était inconnu au monde romain, inconnu