Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/93

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à l’Église chrétienne, inconnu à presque toutes les civilisations anciennes. Quand vous trouvez, dans les civilisations anciennes, la liberté, c’est la liberté politique, la liberté du citoyen. Ce n’est pas de sa liberté personnelle que l’homme est préoccupé, c’est de sa liberté comme citoyen ; il appartient à une association, il est dévoué à une association, il est prêt a se sacrifier à une association. Il en était de même dans l’Église chrétienne ; il y régnait un sentiment de grand attachement à la corporation chrétienne, de dévouement à ses lois, un vif besoin d’étendre son empire ; ou bien le sentiment religieux amenait une réaction de l’homme sur lui-même, sur son âme, un travail intérieur pour dompter sa propre liberté et se soumettre à ce que voulait sa foi. Mais le sentiment de l’indépendance personnelle, le goût de la liberté se déployant à tout hasard sans autre but presque que de se satisfaire, ce sentiment, je le répète, était inconnu à la société romaine, à la société chrétienne. C’est par les Barbares qu’il a été importé et déposé dans le berceau de la civilisation moderne. Il y a joué un si grand rôle, il y a produit de si beaux résultats, qu’il est impossible de ne pas le mettre en lumière comme un de ses éléments fondamentaux.

Il y a, Messieurs, un second fait, un second élément de civilisation que nous tenons pareillement des Barbares seuls, c’est le patronage militaire, le lien qui s’établissait entre les individus, entre les guerriers, et qui, sans détruire la liberté de chacun, sans même détruire, dans l’origine, jusqu’à un certain point, l’égalité qui existait à peu près entre eux, fondait cependant une subordination hiérarchique, et