Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/94

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commençait cette organisation aristocratique qui est devenue plus tard la féodalité. Le trait fondamental de cette relation était l’attachement de l’homme à l’homme, la fidélité de l’individu à l’individu, sans nécessité extérieure, sans obligation fondée sur les principes généraux de la société. Vous ne verrez dans les républiques anciennes aucun homme attaché spécialement et librement à un autre homme ; ils étaient tous attachés à la cité. Parmi les Barbares, c’est entre les individus que le lien social s’est formé, d’abord par la relation du chef au compagnon, quand ils vivaient en état de bande parcourant l’Europe ; plus tard, par la relation du suzerain au vassal. Ce second principe, qui a joué aussi un grand rôle dans l’histoire de la civilisation moderne, ce dévouement de l’homme à l’homme, c’est des Barbares qu’il nous vient, c’est de leurs mœurs qu’il est entré dans les nôtres.

Je vous le demande, Messieurs, ai-je eu tort de dire en commençant que la civilisation moderne avait été, dans son berceau même, aussi variée, aussi agitée, aussi confuse que j’ai essayé de vous la peindre dans le tableau général que je vous en ai présenté ? N’est-il pas vrai que nous venons de retrouver, à la chute de l’Empire romain, presque tous les éléments qui se rencontrent dans le développement progressif de notre civilisation ? Nous y avons trouvé trois sociétés toutes différentes : la société municipale, dernier reste de l’Empire romain ; la société chrétienne, la société barbare. Nous trouvons ces sociétés très diversement organisées, fondées sur des principes tout différents, inspirant aux hommes