Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! c’est vous, Mazza ?

Celle-ci ne répondit pas, elle était pâle et toute couverte de sueur ; Ernest la regardait froidement, en faisant tourner en l’air la corde de soie de sa robe de chambre, il avait peur de se compromettre.

— Entrez, dit-il enfin.

Il la prit par le bras et la fit asseoir de force sur un fauteuil. Après un moment de silence :

— Je suis venue, Ernest, lui dit-elle, pour vous dire une chose : c’est la dernière fois que je vous parle, il faut que vous me quittiez, que je ne vous revoie plus.

— Parce que ?

— Parce que vous m’êtes à charge, que vous m’accablez, que vous me feriez mourir !

— Moi ! comment cela, Mazza ?

Il se leva, tira ses rideaux et ferma sa porte.

— Que faites-vous ? s’écria-t-elle avec horreur.

— Ce que je fais ?

— Oui.

— Vous êtes ici, Mazza, vous êtes venue chez moi. Oh ! ne niez pas, je connais les femmes, dit-il en souriant.

— Continuez, ajouta-t-elle avec dépit.

— Eh bien, Mazza, c’est assez.

— Et vous avez assez d’insolence pour me dire cela en face, à une femme que vous dites aimer ?

— Pardon ! oh ! pardon !

Il se mit à genoux et la regarda longtemps.

— Eh bien, oui, moi aussi je t’aime, plus que ma vie ; tiens, je me donne à toi.

Et puis là, entre les quatre parois d’une muraille, sous les rideaux de soie, sur un fauteuil, il y eut plus d’amour, de baisers, de caresses enivrantes, de voluptés qui brûlent, qu’il n’en faudrait pour rendre fou ou pour faire mourir. Et puis quand il l’eut bien flétrie, usée, abîmée dans ses étreintes, quand il l’eut rendue