vais chevaux, qui sont fatigués à peine sortis de l’écurie, et qui ne trottent à l’aise qu’après un long bout de route, fait en boitant et en souffrant ? Trop de spectacles me font mal, trop aussi me font pitié, ou plutôt tout cela se confond dans le même dégoût.
Celui qui est assez bien né pour ne pas vouloir de maîtresse parce qu’il ne pourrait la couvrir de diamants ni la loger dans un palais, et qui assiste à des amours vulgaires, qui contemple, d’un œil calme, la laideur bête de ces deux animaux en rut que l’on appelle un amant et une maîtresse, n’est pas tenté de se ravaler si bas, il se défend d’aimer comme d’une faiblesse, et il terrasse sous ses genoux tous les désirs qui viennent ; cette lutte l’épuise. L’égoïsme cynique des hommes m’écarte d’eux, de même que l’esprit borné des femmes me dégoûte de leur commerce ; j’ai tort, après tout, car deux belles lèvres valent mieux que toute l’éloquence du monde.
La feuille tombée s’agite et vole aux vents, de même, moi, je voudrais voler, m’en aller, partir pour ne plus revenir, n’importe où, mais quitter mon pays ; ma maison me pèse sur mes épaules, je suis tant de fois entré et sorti par la même porte ! j’ai tant de fois levé les yeux à la même place, au plafond de ma chambre, qu’il en devrait être usé.
Oh ! se sentir plier sur le dos des chameaux ! devant soi un ciel tout rouge, un sable tout brun, l’horizon flamboyant qui s’allonge, les terrains qui ondulent, l’aigle qui pointe sur votre tête ; dans un coin, une troupe de cigognes aux pattes roses, qui passent et s’en vont vers les citernes ; le vaisseau mobile du désert vous berce, le soleil vous fait fermer les yeux, vous baigne dans ses rayons, on n’entend que le bruit étouffé du pas des montures, le conducteur vient de finir sa chanson, on va, on va. Le soir on plante les pieux, on dresse la tente, on fait boire les dromadaires, on se couche sur une peau de lion, on fume,