Oh ! les cœurs atroces ! oh ! les âmes sublimes dans le crime ! Chaque jour ils redoublent, chaque jour ils inventent, leur esprit est un enfer qui fournit des tortures au monde, ils insultent à la nature dans leurs débauches ; bêtes fauves, ils se déguisent en bêtes fauves, ils assassinent leurs mères, ils épousent leurs valets, ils se font applaudir au théâtre.
La société se modèle sur l’empereur, les patriciens s’efforcent de l’imiter ; l’âme des hommes, en effet, n’est qu’une prostituée qui se donne à tous les vices, à tous les crimes. Quelque chose de cela palpite encore dans les pages de Suétone, dans les vers de Juvénal. Vous rappelez-vous la longue Maura, qui épuisa tant d’hommes en un jour ? Hamiltus qui corrompt les enfants ? et la noblesse entière, et la famille de l’empereur, et l’empereur lui-même, et sa femme, et ses sœurs, et son affranchi ? L’histoire alors est une orgie sanglante, dans laquelle il nous faut entrer, sa vue même enivre et fait venir la nausée au cœur.
Cela dure longtemps, trop longtemps pour le monde, quoique les empereurs s’usent vite sur ce trône de feu et que leur âme se fatigue vite à contenir tant de choses monstrueuses.
Comme la mort les emporte tous ! Après Néron, Galba ; après lui, Othon qui a au moins le cœur de mourir, « et alors le secret de l’Empire est divulgué »‚ dit Tacite ; et après Othon, Vitellius dont le règne ne fut qu’un long repas qui commença avec des applaudissements et qui finit avec du sang ; puis Vespasien et Titus. Mais Commode ranime la fête ; Pertinax et Didius Julianus, Sévère, Caracalla, Macrin, et nous voici à Héliogabale, le dernier de cette famille. L’Orient avait débordé dans Rome, in Tiberim defluxit orantes ; depuis longtemps les bouffons d’Antoine avaient chassé les bouffons italiens ; les prêtres de Cybèle arrivent, toutes les religions s’accumulent dans la Ville éternelle, avec tous les vices inventés ; la phi-