Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/205

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Oui, on m’entendra, je le dirai partout, je dirai que je vous avais confié mon fils, un jeune homme, un jeune homme de bonne famille…

Mme Gosselin. — Né de parents honorables.

M. Gosselin. — Qui ont du bien encore ! qui sont connus ! Ainsi ce ne sont pas des noms en l’air, des gens comme tout le monde, voyez-vous ! nous ne laisserons pas dormir ça, allez ! (Après avoir repris haleine, plus vivement.) — On vous l’avait confié, dis-je, on l’avait mis chez vous et vous l’avez corrompu.

Le père Renaud. — Ha !

M. Gosselin, précipitant son débit. — … ou qu’on l’a corrompu, comme vous voudrez ; qu’au lieu de veiller sur sa moralité, sur sa santé, son instruction, vous l’avez laissé se gâter, se perdre ; vous avez favorisé ses débauches, et qu’enfin une femme, votre femme, l’a enlevé, et cela chez vous, sans rien dire, sans le voir, sans vous en apercevoir, ou sans vouloir vous en apercevoir. Oui je dirai cela, je veux qu’on me fasse justice, qu’on me rende mon fils.

Mme Gosselin, pleurant. — Mon pauvre enfant, mon Henry, où est-il ? mort, peut-être ?

Morel, la consolant. — Non, non, nous le retrouverons.

M. Gosselin. — Où voulez-vous que nous l’allions chercher, nous autres, ses parents ?

Mme Gosselin, pleurant. — Ses pauvres parents !

M. Gosselin. — Regardez sa mère, voyez comme elle est ! elle en deviendra folle ; et moi, monsieur, moi son père, croyez-vous que ça m’amuse ? Que voulez-vous que nous pensions, que nous devenions ? Pouvons-nous vivre comme ça ? Où le chercher ? Voyons, dites, parlez !… Agissez ! morbleu ! retrouvez-le ! c’est votre affaire. S’il vous est égal de savoir où est votre femme, moi je veux savoir où est mon fils, et de suite encore !… ah ! vous vous en mêlerez ! vous nous le rendrez ! j’irai partout, entendez-vous bien ? je re-