Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/185

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retentissent de mes soupirs, les flots sont remués par mes agitations. La vertu, le courage, la piété se dissolvent au parfum de ma bouche. J’accompagne l’homme pendant tous les pas qu’il fait, — et au seuil du tombeau il se retourne vers moi !

la mort.

Je te découvrirai ce que tu tâchais de saisir, à la lueur des flambeaux, sur la face des morts, — ou quand tu vagabondais au delà des Pyramides, dans ces grands sables composés de débris humains. De temps à autre, un fragment de crâne roulait sous ta sandale. Tu prenais de la poussière, tu la faisais couler entre tes doigts ; et ta pensée, confondue avec elle, s’abîmait dans le néant.

la luxure.

Mon gouffre est plus profond ! Des marbres ont inspiré d’obscènes amours. On se précipite à des rencontres qui effrayent. On rive des chaînes que l’on maudit. D’où vient l’ensorcellement des courtisanes, l’extravagance des rêves, l’immensité de ma tristesse ?

la mort.

Mon ironie dépasse toutes les autres ! Il y a des convulsions de plaisir aux funérailles des rois, à l’extermination d’un peuple ; — et on fait la guerre avec de la musique, des panaches, des drapeaux, des harnais d’or, un déploiement de cérémonie pour me rendre plus d’hommages.