Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/306

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damis.

Viens-tu ? viens-tu ? le coq a chanté, le cheval a henni, la voile est prête.

antoine.

Non ! c’est la nuit, le coq n’a point chanté, j’entends le grillon dans les sables et je vois la lune qui reste en place.

apollonius.

Au delà des montagnes, derrière l’horizon rose, là-bas, nous allons cueillir la pomme d’or des Hespérides et chercher dans les parfums la raison de l’amour. Nous baignerons nos membres dans le doux lac d’huile de l’île Junonia, nous humerons l’odeur du myrrhodion qui fait mourir les faibles ; tu verras, dormant sur les primevères, le lézard géant qui se réveille tous les siècles, quand tombe à sa maturité le rubis qu’il porte sur sa tête. Les étoiles palpitent comme des regards, les cascades chantent comme des lyres, des enivrements s’exhalent des fleurs écloses ; dans l’eau des fontaines ta figure sera belle, au souffle des brises ton esprit s’élargira parmi les airs, et dans ton cœur comme sur toi des bouffées chaudes passeront pour te faire tressaillir d’une joie divine.

damis.

Il est temps de partir, car le vent va se lever, les hirondelles s’éveillent, la feuille du myrte est envolée.

apollonius.

Oui, partons, partons !

antoine.

Non, non, moi, je reste !

apollonius.

Veux-tu que je t’enseigne où pousse la plante Balis, qui ressuscite les morts ?

damis.

Demande-lui qu’il te donne l’androdamas, qui attire l’argent, le fer et l’airain.