Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/343

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la logique
arrive.

Interrogez-vous vous-mêmes, hypocrites que vous êtes ! S’il avait la foi, aurait-il peur ? s’il avait l’espérance, ne serait-il pas heureux ? s’il avait la charité, est-ce qu’il penserait seulement à lui ?

Les Vertus ne répondent pas.
la logique
reprend.

À quoi êtes-vous bonnes ? vous voilà trois pour soulager une pauvre âme et vous la laissez tomber par terre sans la relever ! Je ne suis pas comme cela, moi, car il n’est pas de défaite que je ne console avec les meilleurs arguments du monde.

l’orgueil.

Allons donc ! relevez-le, montrez-le ; n’avez-vous point de honte de vous entendre traiter de la sorte ?

la foi.

Qu’est-ce que ça me fait ?

la charité.

Je suis venue au monde pour recevoir l’outrage.

l’espérance.

Attendons !

la logique.

Voilà deux fières égoïstes ! est-ce qu’il est question de vous ? mais du pauvre ermite. N’êtes-vous pas envoyées pour le sauver ? sauvez-le donc !

Les Vertus se taisent.
l’orgueil.

Songez que le Diable vous regarde, et qu’il est en droit de dire qu’il vous fait peur.

la foi.

J’ai moins de peur du Diable que de confiance en Dieu.