Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/394

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tes hurlements dans mon oreille, car tu ne fondras pas mon granit, tu n’ouvriras pas mes lèvres.

la chimère.

Ni toi non plus, tu ne me saisiras pas, Sphinx terrible, qui dardes sur l’horizon ton grand œil éternel.

le sphinx.

Pour demeurer avec moi tu es trop folle.

la chimère.

Toi, pour me suivre tu es trop lourd.

le sphinx.

Je te dévorerais dans ma gueule.

la chimère.

Je t’étoufferais dans mes replis.

le sphinx.

Que tu es belle, ô Chimère !

la chimère.

Que tu es grand, ô Sphinx !

le sphinx.

Il y a longtemps que je vois au bout du désert passer tes ailes déployées.

la chimère.

Il y a longtemps que je galope sur les sables et que je vois le soleil brunir ta figure sérieuse.

le sphinx.

La nuit, quand je marche dans les corridors du labyrinthe, que derrière moi s’ouvrent et se ferment d’elles-mêmes les portes des tombeaux, et que j’écoute le vent bramer dans les galeries où passe la lune traînant contre les murs sa clarté silencieuse,