ventre la chaleur douce de la terre ; ma tête est si lourde que je ne peux la lever, je la roule au bout de mon cou ; la mâchoire entr’ouverte j’arrache les herbes vénéneuses arrosées de mon haleine, cela fait autour de moi un demi-cercle pâle ; mais je mange si lentement qu’elles ont le temps de repousser d’un côté pendant que je suis à brouter l’autre. Une fois pourtant, à force de me lécher les pieds, je me les suis dévorés sans m’en apercevoir. Personne n’a jamais vu mes yeux, ou ceux qui les ont vus sont morts. Si je relevais mes paupières, Antoine, mes paupières grasses, et que tu aperçusses mes prunelles, ne fût-ce que l’instant d’un éclair, de suite tu mourrais !
Oh ! oh ! celui-là !
Eh bien ?
Si j’allais avoir envie de les regarder, ces yeux !… pas maintenant, non… Mais si l’envie m’en prenait pourtant ? Songer qu’il ne faut qu’une minute, la tentation d’un instant, l’épaisseur d’un cheveu ! Oh ! oh ! non, non, non !… Mais… mais c’est qu’elle me vient, il me semble ? Ah ! j’en ai envie, et il va… Oh !… quoi ?… qu’est-ce ? j’entends des grandes eaux qui se précipitent, un vent salé sèche la sueur de mon front, il me semble que l’on marche sur des coquilles.
Nous sommes essoufflées d’avoir gravi la montagne pour arriver jusqu’ici ; la poussière de la route a sali nos écailles, et nous