Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/504

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antoine
regarde son cochon.

Quelle herbe a-t-il donc prise pour baver comme il fait ?… D’habitude, cependant, tu sembles heureux, toi, et chaque matin, quand je me réveille…

l’envie.

D’autres, à la même heure, entendent le rire d’un enfant.

antoine
soupirant.

Oui !…

l’envie.

Les fourmis ont une famille. Sur la surface des mers, les dauphins nagent ensemble… As-tu vu, dans les forêts, les louves vagabondes galoper, avec leurs petits à la gueule ?

antoine.

Mas moi, je suis plus solitaire que les bêtes féroces dans les bois et que les monstres sous l’Océan.

la logique.

Qui l’a voulu ? qui te retient ?

l’envie.

Tu souffres, tu as soif. D’autres maintenant, accoudés sur des lits d’ivoire, croquent la neige dans des patères d’argent.

antoine.

Oui… oui… cela est vrai !

l’avarice.

Si tu n’avais pas donné ton bien aux pauvres…

la gourmandise.

… tu aurais des celliers pleins.