Gange aux vastes rives, où vas-tu, que tu nous entraînes comme des brins d’herbe ?
L’éléphant a tremblé sur ses genoux, la tortue a rentré ses membres, et le serpent a lâché le bout de sa queue, qu’il tenait dans sa gueule.
Remonte vers ta source ! Au delà des demeures du soleil, après la lune, derrière la mer de lait, nous voulons boire encore l’enivrement de nos immortalités, au son des luths, dans les bras de nos épouses.
Mais tu coules toujours, tu coules toujours, Gange aux vastes rives !
Qui donc a fait cent fois le sacrifice du cheval, pour me déposséder de mon empire ? Où êtes-vous, mes Crépuscules jumeaux qui trottiez sur vos ânes ? Où es-tu, Feu monté sur le bélier d’azur aux cornes rouges ? Où es-tu donc, Aurore au front vermeil qui retirais à toi le nuage sombre de la nuit, comme une danseuse qui s’avance, la robe retroussée sur son genou ?
Je brillais d’en haut, j’éclairais les carnages, j’effaçais les pâleurs. Mais c’est fini, maintenant ! La grande âme tout essouflée va mourir, comme une gazelle qui a trop couru.
De prairies en prairies, de sphères en sphères, de cieux en cieux, j’ai fui. Je suis pourtant la richesse des âmes, la sève des arbres, la couleur du lotus, le flot tiède, l’épi mur, la déesse aux longs sourires, qui bâille dans la gueule des vaches et se baigne dans la rosée.
Ah ! j’ai trop cueilli de fleurs, ma tête est étourdie.