Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/178

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tion, comme des bonbons, elle semblait toujours désireuse de les ôter de là, et dans tout son bras il sentait un effort secret de retraite.

Quand, à la fin de ses visites, il déposait sur son cou, entre le col de la robe et les cheveux d’or de la nuque, un long baiser qui cherchait l’arome de son corps sous les plis des étoffes adhérentes à la chair, elle avait toujours un léger mouvement en arrière, puis une imperceptible fuite de sa peau sous cette bouche étrangère.

Il percevait cela comme des coups de couteau, et il s’en allait avec des plaies qui saignaient sans cesse dans la solitude de sa tendresse. Comment n’avait-elle pas eu au moins cette période d’entraînement qui succède chez presque toutes les femmes à l’abandon volontaire et désintéressé de leur corps ? Elle est courte souvent, suivie par la fatigue et puis par le dégoût. Mais il est si rare qu’elle n’existe pas du tout, pas une heure, pas un jour ! Cette maîtresse avait fait de lui non pas un amant, mais une sorte d’associé intelligent de sa vie.

De quoi se plaignait-il ? Celles qui se donnent tout entières ne donnent pas tant peut-être ?

Il ne se plaignait pas : il avait peur. Il avait peur de l’autre, de celui qui viendrait tout à coup, rencontré demain ou après-demain, quelconque, artiste, mondain, officier, cabotin, n’importe qui, né pour plaire à ses yeux de femme, et qui plairait sans autre raison, parce qu’il était celui-là, celui qui ferait