Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/301

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rais donner à un homme quelque chose d’intime qu’aucun autre n’aurait : mon affection loyale, l’attachement sincère de mon cœur, la confiance absolue et secrète de mon âme, et, en échange, recevoir de lui, avec toute sa tendresse d’amant, la si rare et si douce impression de n’être pas tout à fait seule. Ce n’est point de l’amour comme vous l’entendez ; mais cela vaut bien quelque chose aussi !

Il se pencha vers elle, tremblant d’émotion, et balbutiant :

— Voulez-vous que je sois cet homme-là ?

— Oui, un peu plus tard, quand vous aurez moins mal. En attendant, résignez-vous à souffrir un peu, par moi, de temps en temps. Ça passera. Puisque vous souffrez de toute façon, il vaut mieux que ce soit près de moi que loin de moi, n’est-ce pas ?

De son sourire elle semblait lui dire : « Ayez donc un peu de confiance ; » et, comme elle le voyait palpitant de passion, elle sentait en tout son corps une sorte de bien-être, de contentement, qui la faisait heureuse à sa manière, comme est heureux un épervier dont le vol s’abat sur une proie fascinée.

— Quand revenez-vous ? demanda-t-elle.

Il répondit :

— Mais… demain.

— Demain, soit. Vous dînerez chez moi ?

— Oui, madame.