Page:Guyau - Éducation et Hérédité.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
L’ÉDUCATION PHYSIQUE ET L’HÉRÉDITÉ.

la vie champêtre des classes riches et à l’éducation commune des jeunes gens dans les établissements publics, il s’était introduit chez eux un grand nombre de luttes et de jeux nationaux, dont nous avons parlé, et qui, par la variété des mouvements qu’ils exigent, sont pour le corps un exercice excellent : les ascensionnistes anglais, qui ont escaladé le Chimborazo, en sont la preuve. Nous l’avons vu, la passion avec laquelle on suit, dans toutes les parties de la Grande-Bretagne, les joutes annuelles des Oxfordiens aux couleurs bleu-foncé et des Cambridgiens aux couleurs bleu-clair peut être comparée seulement à l’enthousiasme des Grecs pour leurs jeux nationaux ; elle excite la jeunesse aux plus grands efforts.

Si, avec la connaissance que nous avons aujourd’hui de l’essence des exercices corporels, on juge les trois formes de ces exercices, la gymnastique allemande, la gymnastique suédoise et le sport anglais, on remarque d’abord le peu de valeur de la seconde pour le développement corporel d’une jeunesse saine. L’exercice du corps, dit Dubois-Reymond, n’est pas seulement, comme les observateurs superficiels le croient à tort, un exercice des muscles, mais il est autant, et plus même, un exercice de la substance grise du système nerveux central. Cette seule remarque est la condamnation, au point de vue physiologique, de la gymnastique suédoise. Celle-ci peut fortifier les muscles, mais elle ne peut pas rendre faciles des mouvements composés. « On peut même supposer le cas d’une éducation corporelle qui donnerait aux muscles isolés d’un Gaspard Hauser une force gigantesque sans que la victime d’une pareille expérience put seulement marcher. La gymnastique suédoise n’est bonne que comme moyen thérapeutique, pour conserver ou rétablir l’activité de certains groupes musculaires (car très peu de muscles peuvent être contractés isolément au gré de nos désirs[1].) »

Quant à la valeur relative de la gymnastique allemande et du sport anglais, celui-ci répond mieux, à un certain point de vue, aux exigences résultant de l’analyse physiologique. Il fait d’habiles coureurs, sauteurs, danseurs, lutteurs, cavaliers, nageurs, rameurs, patineurs. Mais, selon Dubois-Reymond, la gymnastique allemande offre la possibilité de donner à un nombre illimité d’élèves de tout âge et de toute condition l’occasion de s’exercer, en

  1. Dubois-Reymond, l’Exercice.