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L’ÉDUCATION MORALE.

employant un très petit nombre d’appareils et indépendamment des conditions extérieures, qu’il est souvent impossible d’obtenir ; de plus elle a pour elle l’avantage moral d’un effort qui se propose « le perfectionnement de soi-même comme un but idéal, sans aucune utilité immédiate, tout comme l’éducation intellectuelle à laquelle on vise dans les gymnases allemands » ; enfin le choix intelligent des exercices allemands, confirmé et épuré par l’expérience, conduit à une plus grande uniformité dans le développement du corps que celle qu’on pourrait atteindre si l’individu, obéissant à ses inclinations déterminées par une circonstance quelconque, s’adonnait, comme en Angleterre, selon son caprice et avec une ardeur dictée par l’ambition, soit à l’exercice de la rame ou de l’équitation, soit au jeu de paume ou aux ascensions des montagnes. Le jeune homme exercé à la manière allemande possède le grand avantage d’avoir des formes de mouvements adaptées à chaque position du corps, de même que le mathématicien qui a reçu une instruction solide est pourvu de méthodes pour chaque problème. Rien, d’ailleurs, n’empêche le gymnaste allemand de passer de ses exercices théoriques à n’importe quel exercice pratique d’une utilité immédiate. « Comme il a appris à apprendre, il acquerra bien vite l’adresse que ses dispositions naturelles lui permettent d’atteindre ; de même qu’on nous dit que l’élève du gymnase égale bien vite au laboratoire l’élève des cours professionnels ».

Au reste, tous les exercices du corps sont en faveur chez les Allemands ; la marche, l’équitation, le vélocipède, le canotage et l’escrime au sabre sont infiniment plus répandus qu’en France ; le gouvernement exige que dans les établissements scolaires deux heures par jour soient consacrées aux exercices physiques, sous la direction d’un professeur spécial. Il y a à Berlin un grand maître de la gymnastique comme à Paris un grand maître de l’Université. On croit là-bas qu’un peuple qui n’a pas de muscles, où domine la vie cérébrale, et qui n’a plus que des nerfs, est mal préparé à la lutte pour l’existence[1].

Les jeux anglais ne méritent pas toutes les critiques que Dubois-Reymond leur adresse au nom de la gymnastique trop scientifique des Allemands, et celle-ci ressemble encore trop à une leçon. Ici, comme dans d’autres

  1. Voir Cambon, De France en Allemagne.