Page:Guyau - Éducation et Hérédité.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
L’ÉDUCATION MORALE.


VIII. On a beaucoup exagéré, avoc le rôle du maître d’école, le rôle de la géographie ; dans les victoires des Allemands en Autriche et en France. Si la discipline des troupes allemandes a été exemplaire, il paraît qu’il y a à rabattre considérablement sur le degré d’instruction des soldats. Pour gagner des batailles, il ne suffit pas d’ailleurs de savoir lire, écrire, consulter une carte. L’auteur du Traité sur la discipline au point de vue de l’armée, de l’Etat et du peuple. M. Hœnig, nous révèle que les recrues enrôlées dans sa compagnie ont peu conservé de ce qu’elles apprennent sur les bancs de l’école. Pendant des années, il s’est efforcé de constater le degré d’instruction de ses recrues. Or, souvent, les faits les plus simples de leur propre pays étaient ignorés par les jeunes gens arrivés au régiment. « Nous réunissions de nombreuses questions sur la patrie d’origine, dit M. Hœnig. Les réponses étaient incroyables. Après la guerre de 1870-1871, beaucoup ne savaient même pas le nom de l’empereur d’Allemagne. » — Cela ne nous empêche pas, en France, de croire que les connaissances en géographie étaient assez étendues, chez les simples soldats allemands, pour leur faire trouver tous les chemins sur le territoire envahi. La géographie, de nos jours, ce n’est plus la géographie ; c’est, comme on l’a remarqué, une encyclopédie, la science universelle : astronomie et géologie ; minéralogie, botanique, zoologie, physique, histoire et économie politique ; anthropologie, mythologie, sociologie ; linguistique, phonétique ; histoire des races, des religions ; de l’agriculture, du commerce et de l’industrie, etc., etc. À ce compte, la géographie sera ce qu’il y a de plus utile.

Tolstoï nous raconte encore ses perplexités au sujet de

    siècle de luttes ardentes, où tout besoin veut être assouvi et toute haine satisfaite sur l’heure ! Méthode prudente, que de donner la Révolution pour un point de départ et non pour une conclusion, que d’exposer à l’admiration des enfants l’unique spectacle de révoltes, même légitimes, et de les induire à croire qu’un bon Français doit prendre les Tuileries une fois au moins dans sa vie, deux fois s’il est possible, si bien que, les Tuileries détruites, il ait envie quelque jour de prendre d’assaut, pour ne pas démériter, l’Élysée ou le Palais-Bourbon ! « Ne pas enseigner le passé ! mais il y a dans le passé une poésie dont nous avons besoin pour vivre. » — Une poésie, et, ajouterons-nous, un enseignement. Sans le passé, le présent n’est ni expliqué, ni mis à sa véritable place dans l’enchaînement des temps ; on ne doit pas ignorer queles causes qui feront l’avenir existent, non point uniquement dans le présent, mais déjà dans le passé, où l’on peut, en quelque sorte, les juger à l’œuvre. S’il est un moyen de ne pas retomber dans les fautes déjà commises, c’est à coup sûr d’en avoir connaissance.