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L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET SUPÉRIEUR.

l’assainissement de Paris à la Société de l’histoire de Paris et de l’Île de France ; des archéologues sont capables de respecter la fièvre, quand elle habite un vieux palais. Toutefois, si l’histoire ne donne aucune notion précise qui puisse être employée dans telle ou telle partie de l’art du gouvernement, n’explique-t-elle point les qualités comme les défauts du tempérament français, qu’il faut ménager sous peine de mort ; n’avertit-elle point les diverses formes de gouvernement des dangers qui leur sont propres ; ne nous instruit-elle pas à la modération, à la patience, à la « longueur de temps », et enfin ne nous fait-elle point connaître nos relations avec les peuples étrangers ?

L’enseignement de l’histoire et de la géographie se fait encore trop par les méthodes passives : c’est un monologue du maître, une leçon de faculté suivie d’interrogations sommaires sur la leçon précédente : les élèves prennent des notes et sténographient ; puis ils les recopient et les apprennent en partie par cœur. Il serait bon d’enseigner aux élèves ce que c’est qu’un document et un monument ; comment on vérifie, comment on contrôle et critique les témoignages divers[1]. Il faudrait les guider dans des excur-

  1. On ne se figure pas toute la difficulté d’établir la vérité historique, même pour des faits récents et qui ont eu de nombreux témoins. M. d’Harcourt cite un exemple curieux de cette difficulté ou plutôt de cette quasi-impossibilité de connaître les faits tels qu’ils se sont réellement passés. Il s’agit du rapport du maréchal de Mac-Mahon sur la bataille de Solférino.

    « C’était le lendemain même de la bataille, raconte M. d’Harcourt ; nous étions encore sur le sommet du coteau où la lutte s’était terminée. Couchés ou assis dans un très petit espace, nous ne pouvions rien faire à l’insu des uns des autres. Le maréchal dit au général, son chef d’état-major, de lui soumettre un projet de rapport. Celui-ci donna l’ordre à deux de ses officiers de rédiger ce document, et ces officiers se mirent immédiatement à l’œuvre. La chose paraissait facile. On embrassait d’un coup d’œil le champ de bataille. Tous les officiers de l’état-major qui avaient porté les ordres étaient réunis dans l’espace de quelques mètres. On était à la source des renseignements les plus complets et les plus certains. Les officiers rédigèrent donc leur rapport en conscience ; mais, quand il fut présenté au chef d’état-major, celui-ci se récria, il prétendit que les choses s’étaient passées fort différemment… l’ennemi était alors en face et non à gauche… il avait été culbuté par tel corps et non par tel autre…. un mouvement dont on ne parlait que superficiellement avait décidé de la journée, etc. Bref, il fallut remanier du tout au tout le rapport d’après les indications du chef. Les rectifications faites, le rapport fut porté au maréchal ; mais à peine celui-ci feut-il parcouru qu’il le déclara inexact d'un bout à l’autre. — Vous vous trompez absolument,