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L’ÉDUCATION DES FILLES ET L’HÉRÉDITÉ

laisse fortement à désirer si nombre de nos jeunes gens, de nos jeunes filles surtout, sacrifient le meilleur de leurs forces pour obtenir des brevets la plupart du temps inutiles.

Si l’on a raison de protester contre la surcharge des études, c’est ici ou jamais, quand il s’agit des filles, qui ont moins de forces à dépenser. Il faut s’élever contre toute connaissance d’une utilité non générale. D’ailleurs rien n’est fatigant comme ce qui est irrationnel ou fastidieux, car l’esprit cesse de s’y intéresser et, la curiosité absente, l’effort seul reste, en se doublant encore de tout l’ennui éprouvé. Une jeune fille, ne se destinant à aucun emploi déterminé d’avance, doit acquérir une vue d’ensemble sur les principales connaissances de l’esprit bumain, non se confiner dans une érudition ardue et nécessairement restreinte. Le but de son éducation, c’est de l’amener à n’être étrangère à rien, afin que, le cas échéant, elle puisse s’appliquer à tel ou tel objet donné. Car, plus encore que le jeune homme, la jeune fille ignore de quel côté la vie la poussera. Une femme peut être appelée à seconder son mari dans ses occupations, à surveiller les études de ses fils, au moins à leur début, à faire l’éducation de ses filles ; enfin restent les éventualités de la vie, et il se peut qu’elle n’ait à compter que sur son travail pour élever sa jeune famille. Il ne s’agit pas, bien entendu, de tout lui apprendre, mais de la rendre propre à tout apprendre en lui donnant le goût de l’étude et l’intérêt pour toutes choses.

Des mobiles du même genre, dit M. Rochard, poussent les enfants des deux sexes dans la voie du travail à outrance. Pour les jeunes gens, ce sont des diplômes à conquérir, ce sont les lauriers du grand concours, c’est l’entrée dans une école de l’État. Pour les jeunes filles, c’est le brevet d’institutrice, c’est l’admission dans les écoles normales. Le développement que l’enseignement primaire a pris, depuis quelques années, surtout dans les grandes villes, en a fait une carrière attrayante. C’est, pour les jeunes filles, un moyen de s’élever au-dessus de leur condition, de sortir de la situation d’infériorité dans laquelle se trouve leur famille, et de satisfaire « les goûts de plaisir que tout contribue à développer en elles et qu’on semble prendre à tâche de surexciter ». Pour