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CHAPITRE III


DEVOIRS DE L’HOMME ENVERS LA DIVINITÉ 
THÉORIE DU MAL ET OPTIMISME STOÏCIEN

I


Comme le stoïcien, libre et n’attachant de prix qu’à ce qui dépend de sa liberté, devient ainsi l’ami de tous les hommes, du même coup il devient l’ami des dieux[1]. Selon Épictète, comme selon les chrétiens, si l’on attache le moindre prix aux choses extérieures, on est incapable de la vraie piété. Quiconque place son bien en dehors de lui-même, dans le monde, ne peut manquer d’y trouver souvent le mal ; il s’en prendra alors aux auteurs du monde, il se plaindra des dieux. Et en effet, si les choses extérieures ne sont pas indifférentes, combien d’entre elles seront mauvaises ! « Comment observer alors ce que je dois à Jupiter ? Car, si l’on me fait du tort et si je suis malheureux, c’est qu’il ne s’occupe pas de moi. Et qu’ai-je affaire de lui, s’il ne peut pas me secourir ? Qu’ai-je affaire encore de lui « si c’est par sa volonté que je me trouve dans cette situation ? Je me mets par suite à le haïr. Pourquoi donc alors lui élevons-nous des temples, des statues ? Il est vrai qu’on en élève aux mauvaises divinités, à la Fièvre ; mais comment s’appellera-t-il encore le Dieu-Sauveur, le Dieu qui répand la pluie, le Dieu qui distribue les fruits[2] ! » Épictète nous donne ainsi à choisir entre un pessimisme impie ou le stoïcisme. Si le seul bien ne réside pas

  1. Manuel, xxxi.
  2. Entretiens, I, xxiii.