dans la volonté de l’homme, le mal qui existe alors dans le monde est inexplicable et accuse Dieu[1].
Au contraire, nous avons vu que, d’après Épictète, il n’y a dans le monde extérieur ni bien ni mal, et c’est ce principe qui va maintenant absoudre la Providence. C’est nous en effet qui, à notre gré, transformons les choses en bien ou en mal. « Voilà la baguette de Mercure. Touche ce que tu voudras, me dit-il, et ce sera de l’or. — Non pas, mais apporte ce que tu veux, et j’en ferai un bien. Apporte la maladie, apporte la mort, apporte l’indigence : grâce à la baguette de Mercure tout cela tournera à notre profil. » Épictète revient sans cesse sur cette idée essentielle ; il n’y a pas plus de mal hors de nous, répète-t-il, qu’il n’y a de mal dans cette proposition : trois font quatre ; ce qui est mal, c’est d’approuver cette proposition. Si au contraire on la rejette, il y a un bien relatif à cette erreur même : c’est de savoir qu’elle est une erreur et d’en faire ainsi un usage rationnel ; de même il est un bien relatif à la maladie, à la mort, c’est d’en faire un bon usage[2].
Chaque chose qui se présente nous pose en quelque sorte une question[3] ; la mort nous dit : es-tu sans crainte ? la volupté nous dit : es-tu sans désir ? Le mal n’est pas dans ces questions, mais dans la réponse intérieure que nous leur faisons ; il n’est pas dans les choses, mais dans nos actes. Les stoïciens conçoivent ainsi les rapports de l’homme et du monde comme une sorte de dialectique vivante, où les choses nous présentent des interrogations,
- ↑ En outre, si le titre de Dieu à notre amour se fonde sur la distribution qu’il nous fait des biens et des maux extérieurs, quiconque pourra les distribuer comme lui, par exemple le prince, sera dieu. « De là vient que nous honorons comme des dieux ceux qui ont en leur pouvoir les choses du dehors : cet homme, disons-nous, a dans ses mains les choses les plus utiles ; donc il est un dieu. » — Explication profonde de la dégradation morale où était tombée Rome, et des honneurs divins rendus aux Néron ou aux Domitien. — Bossuet essayera de prouver, lui aussi, que les princes sont des dieux parce qu’ils ont comme Dieu le pouvoir de nous distribueras biens ou les maux : « Il faut obéir aux princes comme à la justice même, dit Bossuet : ils sont des dieux… Comme en Dieu est réunie toute perfection, ainsi toute la puissance des particuliers est réunie en la personne du prince. »
- ↑ Entretiens, III, xx.
- ↑ Ibid., XXIX.