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L’ÉDUCATION MORALE.

mation contagieuse, de même une suggestion négative, — l’idée qu’on ne verra pas telle ou telle personne présente ou qu’on ne fera pas tel ou tel acte habituel, — se ramène à une négation contagieuse, qui est une affirmation d’un autre genre. Comme le remarque M. Binet, on suggère alors le scepticisme au lieu de suggérer la foi. On peut ainsi affaiblir et même détruire entièrement des perceptions réelles. Lorsqu’on dit à quelqu’un : vous ne pouvez pas remuer votre bras, on paralyse l’afflux moteur qui met le bras en mouvement. Nous croyons donc pouvoir établir encore cette loi : — Toute manifestation de l’activité musculaire ou sensorielle ne va pas sans une certaine croyance en soi, sans l’attente d’un résultat déterminé, étant donné tel antécédent. La conscience d’agir se ramène ainsi en partie à la croyance qu’on agit, et si cette croyance est ébranlée, la conscience même se désorganise. Toute la vie consciente repose sur une certaine confiance en soi, qui se résout dans une habitude de soi, et cette habitude de soi, cette croyance vague en la conformité de ce qu’on a été, de ce qu’on est et de ce qu’on sera, peut être troublée très facilement, comme les actes qui sont du domaine des réflexes, par l’intervention d’un doute réfléchi.


III. — LA SUGGESTION COMME MOYEN D’ÉDUCATION MORALE ET COMME MODIFICATEUR DE L’HÉRÉDITÉ.

L’état de l’enfant au moment où il entre au monde est plus ou moins comparable à celui d’un hypnotisé. Même absence d’idées ou « aïdéisme », même domination d’une seule idée ou « monoïdéisme » passif. De plus, tous les enfants sont hypnotisables et facilement hypnotisables. Enfin ils sont particulièrement ouverts à la suggestion et à l’auto-suggestion[1].

  1. M. Motet a fait à l’Académie de médecine dans la séance du 12 avril 1887, une intéressante communication sur les faux témoignages des enfants devant la justice. Rappelant d’abord combien est émouvant le récit d’un enfant qui raconte les détails d’un crime, l’auteur a rapporté un certain nombre de faits qui caractérisent nettement l’état mental des enfants accusateurs et montrent le mécanisme psychique de leurs faux témoignages. Dans plusieurs de ces cas, les plus graves accusations n’ont pas d’autre motif que le besoin d’expliquer une escapade insignifiante. Ici, l’enfant ne sachant que répondre à sa mère qui l’interroge, celle-ci, par ses questions, lui suggère toute une histoire d’attentat à la pudeur qu’il retient et répète devant un magistrat ; là, c’est un autre enfant qui, faisant l’école buisson-