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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

le rapport de ces deux termes qui, selon nous, a engendré tout d’abord la conscience du temps ; ce dernier ne fut à l’origine, en quelque sorte, que l’intervalle conscient entre le besoin et sa satisfaction, la distance entre « la coupe et les lèvres ».

Aujourd’hui les psychologues sont tentés d’intervertir l’ordre de la genèse du temps. Remplis de leurs idées toutes scientifiques et toutes modernes sur la causalité, ils nous disent : la cause efficiente se réduit pour l’entendement à une simple succession d’antécédent et de conséquent selon un ordre invariable ou même nécessaire ; la cause finale se réduit de même à un rapport d’antécédent et de conséquent, à une succession. Puis, quand les psychologues arrivent à la question du temps, ils continuent de placer l’idée de succession à la racine même de la conscience : ils font consister cette dernière dans un rythme d’antécédents et de conséquents saisi sur le fait ; dès lors le prius et le posterius, le non simul, deviennent un rapport constitutif de la « représentation » même, une « forme de la représentation », et une forme a priori. Selon nous, cette théorie met des idées scientifiques, venues fort tard, à la place des fétiches primitifs de la conscience, qui sont la force ou cause