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FOND ACTIF DE LA NOTION DE TEMPS

efficiente et le but ou cause finale. L’animal ne pratique que la philosophie de Maine de Biran : il sent et il fait effort, il n’est pas encore assez mathématicien pour songer à la succession, encore moins à la succession constante, encore bien moins à la succession nécessaire. Le rapport d’antécédent à conséquent, de prius à posterius, ne se dégagera que dans la suite par une analyse réfléchie.

Est-ce à dire que le temps ne soit pas déjà en germe dans la conscience primitive ? — Il y est sous la forme de la force, de l’effort, et, quand l’être commence à se rendre compte de ce qu’il veut, de l’intention ; mais alors, le temps est tout englobé dans la sensibilité et dans l’activité motrice, et par cela même il ne fait qu’un avec l’espace ; le futur, c’est ce qui est devant l’animal et qu’il cherche à prendre ; le passé, c’est ce qui est derrière et qu’il ne voit plus ; au lieu de fabriquer savamment de l’espace avec le temps, comme fait Spencer, il fabrique grossièrement le temps avec l’espace ; il ne connaît que le prius et le posterius de l’étendue. Mon chien, de sa niche, aperçoit devant lui l’écuelle pleine que je lui apporte : voilà le futur ; il sort, se rapproche, et, à mesure qu’il avance, les sensations de la niche s’éloignent, disparaissent presque, parce