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FOND ACTIF DE LA NOTION DE TEMPS

fluence de ce milieu nouveau, en rentrant pour ainsi dire dans le monde des sensations qui les ont produits, acquièrent une force considérable : ils me deviennent présents, comme on dit. Si j’avais avec moi le chien de montagne qui m’accompagnait autrefois dans mes promenades, il reconnaîtrait évidemment ce chemin comme moi, il éprouverait du plaisir à s’y retrouver, il remuerait la queue et gambaderait. Et comme il ne mesure pas le temps mathématiquement d’après le cours des astres, mais empiriquement d’après la force de ses souvenirs, il lui semblerait peut-être qu’il est venu tout récemment dans ce chemin.

Il y a des rêves dont on se souvient un jour tout à coup sans pouvoir les rattacher à rien. On est prêt alors à les confondre avec une réalité, si toutefois ils ne sont pas invraisemblables et n’offrent pas la confusion habituelle des rêves. Mais on ne sait pas où les placer, on cherche en vain à les rattacher à l’image de tel ou tel objet. Impossible. Il y a de telles images produites en rêve et quelquefois pendant la veille, dans le vague d’une pensée indifférente, dont on ne peut en aucune façon déterminer l’époque. Si on les projette encore dans le passé, c’est par une simple habitude, et