Avant Epicure, les sophistes s’étaient déjà attaqués
à l’idée de justice. On sait avec quelle vigueur Platon
fait parler Calliclès dans le Gorgias contre la prétendue
loi naturelle supérieure et antérieure aux lois humaines.
La vraie loi naturelle, c’est la loi du plus fort ; le critérium
d’après lequel dans la nature on juge les actions,
c’est la force. Dans la cité, cette force a passé aux mains
de la loi ; mais si on obéit aux prescriptions du législateur,
c’est encore la force qu’on respecte et devant laquelle
on s’incline, non la justice. Pyrrhon et les sceptiques,
succédant aux sophistes, défendirent la même
cause : dans la nature il n’y a rien, disait Pyrrhon, de
beau et de laid, de juste et d’injuste ; si la justice était
naturelle, d’où viendrait la diversité des lois ? les Pyrrhoniens
avaient recueilli soigneusement la plupart des
contradictions observées entre les mœurs et les croyances
des divers peuples, et ils en faisaient un de leurs
arguments favoris contre la loi morale naturelle. Démocrite
enfin, dont les livres exercèrent tant d’influence
sur Epicure, niait également la justice naturelle.
Ainsi, en résumé, voici où en était restée la question
au temps d’Epicure : 1o il n’y a pas de loi naturelle,